M’offres-tu un café?

Savoir de combien de temps on dispose

Savoir quelle quantité de temps il restait avant la fin, ai sans cesse cru que c'était bien.  Pensais que c'était avoir la possibilité de bien terminer les choses.  Pensais naïvement que ça facilitait toujours la mort.  C'était faux.  Fichtrement faux.  Ça n'aplanit pas en tout temps la tombée du rideau.  Inventorier le temps que conservera une vie, ça fait parfois pleurer d'avance le trépas d'un corps encore habité et ça peut enterrer vivant quelqu'un qui est encore en vie.

Madame Marquis sait que c'est son dernier été dans son jardin irisé de pivoines et d'arbustes fruitiers; elle sait qu'elle est rendue à son ultime automne et qu'elle ne verra probablement pas de nouveau l'hiver québécois négocier un pacte avec le Pôle Nord.  En première ligne, elle sait quels sont les derniers moments qui l'attendent car il y a un an et cinq mois elle a vu son mari agoniser du même mal.  Madame Marquis sait tout ça et nous qui l'aimons le savons aussi.

«Idiote Suzy, comment as-tu pu considérer une seule seconde 
que c'était plus complaisant de savoir quel nombre de jours il restait 
avant qu'une âme s'en aille pour de bon?»

Subsiste du temps, mais qu'est-ce qu'on peut en faire?  De quelle façon pouvons-nous profiter à fond du temps qui se tient?  Que faire, hein?  À présent, je me dis que lorsque nous ne savons pas de combien de temps on dispose, au moins on n'a pas épouvante de manquer notre coup.  Là, ai beau être au courant à l'avance que quelqu'un dans mes alentours va mourir, je ne sais pas davantage ce que je pourrais lui articuler de plus pour que ça puisse faire une différence quand des ailes lui pousseront dans le dos!

Je me sens inefficace.

«Suzy, tu lui prêteras l'oreille.  
Tu lui raconteras que son mari sera là pour la reconduire auprès de ses parents, 
de tous ceux qu'elle aime et qui vivent de l'autre bord 
même si tu n'y crois pas une seule seconde.»

Je vais d'abord lui être attentive.  Si elle veut que je lui donne mon point de vue sur la vie après celle-ci ici bas, je mentirai.  Finalement, savoir quelle quantité de temps il restait avant la fin, ai sans cesse cru que c'était bien.  Pensais que c'était avoir la possibilité de bien terminer une relation.  Pensais naïvement que ça facilitait toujours la mort.  Désormais, je sais que la Faucheuse n'est jamais conciliante.

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